Les agriculteurs peuvent de nouveau épandre des pesticides à moins de 150 mètres des habitations. Le tribunal administratif de Melun a suspendu les arrêtés anti-glyphosates pris en septembre par cinq communes seines et marnaises.
En plein débat sur le décret d’éloignement des pesticides, les maires des communes de Mitry-Mory, Othis, Savigny-le-Temple, Champs-sur- Marne et Chevry-Cossigny avaient pris des arrêtés interdisant l’épandage de ce produit controversé.PUBLICI
Mais le 17 septembre dernier la préfecture de Seine-et-Marne a saisi la juridiction administrative en urgence, arguant que de tels arrêtés ne relevaient pas du pouvoir de police général des maires, qui ne seraient donc pas compétents.
Des arguments qui ont convaincu le tribunal administratif de Melun qui a suspendu les arrêtés dans son ordonnance du 8 novembre dernier.PUBLICITÉ
Le tribunal jugera plus tard les arrêtés sur le fond
« S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait toutefois s’immiscer à ce titre dans l’exercice de cette police spéciale en édictant des mesures réglementaires à caractère général. Il ne pourrait, à titre exceptionnel, faire usage des pouvoirs que pour adopter des mesures ponctuelles destinées à prévenir un danger ou à y mettre fin, et à la double condition de l’existence d’un péril imminent et d’une carence de la police spéciale », explicite la juridiction, qui jugera ultérieurement les arrêtés sur le fond.
Cette décision n’a pas surpris la maire de Mitry-Mory, Charlotte Blandiot-Faride (PCF). « Nous nous y attendions même si nous avions l’espoir que le juge de Melun suive l’ordonnance prise par celui de Pontoise (Val-d’Oise), qui n’a pas suspendu les arrêtés de Sceaux et de Genevilliers (Hauts-de-Seine) pourtant contestés pour les mêmes motifs ».
« On sent que la justice hésite sur la décision à rendre. On a donc fait un premier pas, se réjouit Maryline Pichery, la maire (PS) de Savigny-le-Temple. Le 27 septembre, des agriculteurs en colère se rassemblaient devant sa mairie et obtenaient qu’elle suspende son propre arrêté « le temps des discussions ». Cela veut dire que l’on est sur un sujet de société important. Notre objectif est en effet bien de défendre la santé des habitants et des agriculteurs. Le principe de précaution doit prévaloir ».
Les riverains ont choisi la campagne pas les pesticides
Déçu, le maire de Chevry-Cossigny Franck Ghirardello (SE) estime ne pas avoir complètement perdu la partie. « Nous avons réussi à heurter les consciences. Beaucoup de Français sont maintenant au courant », se réconforte-t-il. Il étudiera la semaine prochaine avec son bureau municipal la possibilité de faire appel.Newsletter Seine-et-MarneChaque matin, l’actualité de votre département vue par Le ParisienJE M’INSCRISVotre adresse mail est collectée par Le Parisien pour vous permettre de recevoir nos actualités et offres commerciales. En savoir plus
A Champs-sur-Marne, Maud Tallet (PC) regrette « que la justice considère que les maires ne sont pas habilités à protéger la santé des habitants ». La maire se félicite d’avoir « lancé un signal d’alarme ». « Nous sommes parvenus à interpeller tout le monde sur cette question, les citoyens, les sociétés d’autoroute, la SNCF, précise l’élue. N’oublions pas que les espaces verts de nos communes sont passés au zéro phyto depuis longtemps ».
La municipalité d’Othis dont l’arrêté a également été suspendu envisage de faire appel de la décision de la juridiction administrative. « La plupart des habitants d’Othis sont des urbains qui ont quitté la banlieue pour vivre à la campagne, pas pour être cernés par des pesticides. Notre arrêté est légitime », persiste le maire Bernard Corneille (DVG).
A Mitry-Mory, l’agriculteur a enfin pu traiter
Quant au second acte, « le combat continue », lance la maire de Savigny-le-Temple attend le jugement sur le fond dont la date n’est pas encore fixée. « Il faut maintenant que ça aille plus vite au niveau de l’Etat, poursuit Maud Tallet. Nous attendons de vraies solutions. »
Les agriculteurs des communes concernées, comme Antoine Piot, exploitant agricole à Mitry-Mory, ne cache pas son soulagement. « L’attente était insupportable mais nous avons enfin pu intervenir sur la bande de 150 mètres dont l’arrêté nous interdisait le traitement depuis le 17 septembre dernier. Jusqu’à ce mercredi, nous n’avons pas pu désherber cette bande ni la protéger contre les pucerons, qui sont vecteurs de la jaunisse nanisante. Nous ne saurons qu’au printemps si nous avons réussi à rattraper le retard », prévient-il.
L’agriculteur est cependant déçu que le recours, qu’il a déposé avec une dizaine d’autres exploitants et propriétaires terriens contre l’arrêté de la maire de Mitry-Mory, a été abandonné suite au recours de la préfecture.
Hasard du calendrier, le maire de Chauconin-Neufmontiers a pris le 7 novembre un arrêté similaire. Contrairement à ses homologues de Mitry-Mory ou de Savigny-le-Temple, Michel Bachmann (DVG) a choisi d’interdire l’usage de pesticides à une distance de 50 mètres — et non 150 mètres — des habitations.
« Je ne souhaitais pas prendre un arrêté dans la précipitation, sans consulter les agriculteurs, explique l’élu. Le texte tient compte de ces échanges. » La commune compte près de 1 500 hectares de champs agricoles pour une superficie totale de 1 739 hectares.
Michel Bachmann n’en souligne pas moins la dangerosité des « produits phytopharmaceutiques » visés par son arrêté. « Des habitants nous interpellent régulièrement, ajoute le maire. Nous avons exclu certaines zones du périmètre d’interdiction pour cibler celles où les riverains sont en contact direct avec des espaces agricoles. Cet arrêté n’est pas une lubie ou une préoccupation préélectorale. C’est toute une politique en faveur de l’environnement menée depuis des décennies. »